Il Sogno
Traumdeutung | Inventario

Non !

Bruno de Halleux

J’ai toujours dit oui ! Un oui pour ne pas dire non.

Un oui à l’Autre pour l’amadouer, pour l’éviter, pour ne pas m’y confronter.

Ce oui m’insupportait, m’aliénait, m’empêchait.

Avec ce oui, je cédais sur le désir, le mien, je restais dans l’ombre de l’Autre.

Je voulais croire au rapport sexuel, à l’harmonie possible entre deux sujets de parole, à la possibilité de trouver in fine un mot de conciliation entre l’autre et moi.

L’Autre avait figure de baron. J’y épinglais spécialement ceux de l’Ecole, ceux qui dans mon imaginaire, s’y croient, possèdent tout le savoir, occupent tout le terrain – politique,
épistémique, clinique – et ne font guère de place aux petits, aux discrets, aux travailleurs masqués…

Dans l’analyse, je ne trouvais pas d’issue. Des larmes incontrôlables m’empêchaient de parler, de m’affronter au réel, de sortir de ma croyance en un amour universel possible.

Un rêve permet au sujet de continuer à dormir. Même réveillé, le sujet continue à dormir dans le confort de ce qui fait son fantasme. Le réveil au réel est rare, est-il seulement possible ?

Dans l’analyse, un rêve de fin de parcours surgit.

Je rêve que je vais chez une dame, une baronne, qui a joué un rôle important dans mon enfance. Je suis en vélo et soudain, je me sens freiné, sans raison apparente, freiné à tel point que le vélo s’arrête. Arrive une Twingo. En sort un homme qui me paraît ivre et qui fait des mouvements amples de ses bras. J’évite de justesse un coup. J’associe cet homme à un cousin avec qui j’ai beaucoup joué, enfant. Il est baron.

Je veux m’enfuir. J’enfourche mon vélo et pédale avec rage, mais suis à nouveau freiné de façon inexplicable. L’homme arrive droit sur moi, prêt à me frapper. Il va se jeter sur moi. Au lieu de m’abriter, de me dissimuler, comme je l’ai toujours fait, je fais face. À l’instant où il va me frapper, je lui balance un coup de poing et je hurle : « NON » ! Je me réveille.

Il me reste à en prendre acte. Dire non pour assumer un oui à la castration, un oui à l’inexistence de l’Autre.